L’affaire C-540/22 est une demande de décision préjudicielle présentée par le tribunal de La Haye, section de Middelburg, aux Pays-Bas, concernant l’interprétation des articles 56 et 57 du TFUE. Le litige implique 44 travailleurs ukrainiens détachés par une entreprise slovaque pour fournir des services à une entreprise néerlandaise, ainsi que le Secrétaire d’État néerlandais à la Justice et à la Sécurité. Il découle du refus de ce dernier, jugé infondé par les requérants, de délivrer un permis de séjour temporaire pour des prestations de services transfrontaliers.
Les faits
- Les requérants, citoyens ukrainiens, ont été détachés aux Pays-Bas par l’entreprise slovaque ROBI spol s.r.o. pour exécuter des services dans le port de Rotterdam pour l’entreprise néerlandaise Ivens NV.
- L’entreprise slovaque a informé les autorités néerlandaises des activités et de la durée des détachements.
- Les travailleurs ukrainiens possédaient également des permis de séjour temporaires délivrés par les autorités slovaques.
- Selon la législation néerlandaise, après l’expiration d’une période de 90 jours, les travailleurs ukrainiens devaient demander un permis de séjour néerlandais.
- Initialement autorisée jusqu’au 21 novembre 2020 avec des permis de séjour temporaires slovaques, la durée du détachement a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021. Cependant, les autorités néerlandaises ont limité la validité des permis de séjour des travailleurs à la durée des permis slovaques, suscitant des plaintes concernant les frais et la validité du permis. Après plusieurs refus des objections soulevées par les travailleurs ukrainiens, l’affaire a été portée devant les tribunaux.
- Face aux réclamations des travailleurs ukrainiens, le tribunal néerlandais a décidé de soumettre certaines questions préjudicielles à la Cour de justice. Ces questions concernaient notamment la conformité de la législation néerlandaise avec la libre prestation de services au sein de l’Union européenne.
La décision de la CJUE
La Cour a conclu que l’article 56 TFUE n’empêche pas l’application de la législation d’un État membre selon laquelle :
- La validité d’un permis de séjour délivré à un travailleur d’un pays tiers détaché dans cet État membre ne peut pas dépasser la durée déterminée par cette législation nationale, qui peut donc être plus courte que celle nécessaire pour la prestation du service.
- La durée de validité de ce permis de séjour est limitée à celle du permis de travail et de séjour détenu par la personne dans l’État membre où est établi le prestataire de services.
- L’octroi de ce permis de séjour peut entraîner des frais plus élevés que ceux d’un certificat régulier pour un citoyen de l’UE, à condition que la durée initiale de validité de ce permis ne soit pas manifestement trop courte pour répondre aux besoins de la plupart des prestataires de services.
Il en résulte donc que la disposition selon laquelle la validité des permis de séjour accordés ne dépasse pas une certaine durée, déterminée par la législation nationale, n’est pas en soi contraire au droit de l’Union.
Le fait qu’un État membre limite la période de validité des permis de séjour délivrés aux citoyens de pays tiers détachés sur son territoire à la durée des permis de travail qu’ils détiennent dans l’État membre où est établi le prestataire de services ne peut être considéré comme une violation de la liberté de prestation de services de ce dernier.
Enfin, concernant la plainte des travailleurs détachés sur le coût excessif pour obtenir un permis de séjour aux Pays-Bas, significativement plus élevé que le coût d’un permis de séjour pour un citoyen de l’UE, il a été conclu que ce fait en soi n’est pas suffisant pour démontrer que le montant de ces frais est excessif ou déraisonnable et, par conséquent, qu’il viole l’article 56 TFUE, mais est simplement dicté par les frais que le gouvernement néerlandais supporte pour l’émission de ce permis de séjour.